Nos inspirations théoriques

Changer de regard pour comprendre ce qui agit réellement

Notre manière habituelle d’aborder les transformations — qu’elles soient organisationnelles, collectives ou personnelles — montre aujourd’hui ses limites.

Les décisions sont prises, les projets sont lancés, les intentions sont claires…
et pourtant, les résultats attendus ne sont pas toujours au rendez-vous.

Cela ne tient pas à un manque de volonté ou de compétence, mais à une lecture incomplète de ce qui structure réellement les systèmes humains.

L’analyse systémique propose un changement de regard :
ne plus considérer le changement comme un projet mécanique à piloter, mais comme un processus vivant, traversé par des dynamiques visibles et invisibles, qui orientent profondément les comportements et les trajectoires.

Situer le système dans son écosystème réel

Comprendre un système humain commence par une question simple, mais souvent mal posée : où s’arrête réellement le système que l’on observe ?
Une organisation n’existe jamais en vase clos.

Elle est traversée en permanence par des dynamiques économiques, sociales, culturelles, territoriales, technologiques ou réglementaires.

Ces dynamiques externes ne sont pas un décor :
elles influencent directement les réactions internes, les résistances, les modes de régulation et les capacités d’évolution.

Le périmètre pertinent d’analyse n’est donc jamais l’entreprise seule,
mais l’entreprise dans son monde.

Ce qui se voit, ce qui se joue, ce qui agit

Tout système humain est structuré par plusieurs couches simultanées.

L’explicite correspond à ce qui est visible et formalisé :
règles, procédures, discours, organigrammes, intentions affichées.

L’implicite constitue l’infrastructure silencieuse du système :
habitudes, peurs, loyautés invisibles, histoires collectives, non-dits.

L’agissant, enfin, désigne ce qui oriente réellement les comportements :
les forces vivantes qui déterminent ce que les personnes font, évitent, priorisent ou contournent.

Les transformations échouent lorsqu’elles n’agissent que sur l’explicite,
sans travailler l’implicite ni comprendre ce qui est véritablement agissant.

Lire le réel comme un mouvement vivant

Un système humain n’est jamais figé.
Même lorsqu’il semble stable, il est traversé par des flux d’énergie, d’informations, de relations et de tensions.

Les comportements observables sont toujours le résultat d’un équilibre temporaire entre plusieurs forces.

Transformer un système ne consiste donc pas à « changer » une structure,
mais à réorienter un mouvement déjà existant.

Observer les dynamiques, les tensions et les émergences permet de comprendre comment le système tente en permanence de se réguler et de s’adapter.

La perception n’est jamais neutre : l’observateur fait partie du système

Notre manière habituelle d’aborder les transformations — qu’elles soient organisationnelles, collectives ou personnelles — montre aujourd’hui ses limites.

Dans un système humain, il n’existe pas de lecture objective et extérieure de la réalité.
Observer un système, c’est déjà interagir avec lui.

Chaque acteur — dirigeant, manager, collaborateur, accompagnant — perçoit la situation à partir de son histoire, de ses croyances, de ses peurs, de ses intentions et de sa place dans le système.

L’esprit humain sélectionne ce qui le rassure, amplifie ce qu’il valorise et minimise ce qui le met en difficulté.
Il interprète les faits à travers des filtres souvent invisibles : biais cognitifs, normes implicites, représentations collectives, évitements du conflit ou de l’incertitude.

Ainsi, plusieurs personnes peuvent observer une même situation…
et en tirer des lectures radicalement différentes, toutes sincères, mais partielles.

Lorsque ces perceptions individuelles convergent sans être questionnées, une représentation collective cohérente — mais erronée — peut s’installer et orienter durablement les décisions et les actions.

Lire un système demande donc un regard conscient, capable de se décaler de ses certitudes et d’intégrer le rôle de l’observateur dans ce qui est observé.

Boucles, régulations et leviers de transformation

Dans un système vivant, chaque action modifie l’état global du système, qui réagit en retour et influence à son tour les comportements des acteurs.
C’est ce que la pensée systémique désigne comme des boucles de rétroaction.

Les comportements ne produisent pas seulement des effets individuels :
ils transforment le contexte relationnel, organisationnel et émotionnel, qui vient ensuite contraindre ou ouvrir de nouvelles possibilités d’action.

Trois mécanismes sont particulièrement structurants dans les systèmes humains :

Les boucles de renforcement, où une dynamique en alimente une autre, amplifiant le phénomène initial.
Les boucles de régulation, qui cherchent à stabiliser le système lorsqu’un déséquilibre apparaît.
Les effets retard, qui décalent dans le temps les conséquences des décisions et rendent la lecture du changement particulièrement complexe.

Ne pas comprendre ces mécanismes conduit à interpréter les signaux du système de manière erronée :
agir trop vite, corriger ce qui n’est qu’un symptôme, ou abandonner une transformation encore en phase de maturation.

Une transformation devient possible lorsque l’on identifie :

  • quelles boucles renforcer,
  • quelles régulations apaiser,
  • quels effets retard intégrer dans la lecture du réel.

Agir sur un système ne consiste alors plus à corriger un élément isolé,
mais à réagencer les dynamiques en présence, en modifiant les importances relatives, les relations et les équilibres.

Les dynamiques ne sont jamais abstraites : elles s’incarnent dans les personnes

Dans les systèmes humains, les dynamiques collectives — sociales, culturelles, organisationnelles — n’existent jamais de manière abstraite.
Elles prennent forme à travers les individus qui les incarnent, les amplifient, les freinent ou les détournent.

Une dynamique n’agit que parce qu’une femme ou un homme, à un moment donné, lui donne corps par ses décisions, ses postures, ses émotions ou ses stratégies d’adaptation.

C’est pourquoi deux organisations confrontées à des contraintes similaires ne réagissent jamais de la même manière :
tout dépend de la manière dont les personnes entrent dans la dynamique du projet.

Comprendre ce qui agit réellement suppose donc de regarder les dynamiques personnelles situées :

  • L’intention réelle des acteurs,
  • Leur niveau d’engagement,
  • Leur rapport au changement,
  • Les émotions mobilisées,
  • Les besoins non négociables,
  • Les points d’appui contributifs et les stratégies d’évitement.

Dynamiques, tensions et émergences : lire l’évolution d’un système

Pour comprendre l’évolution d’un système humain, trois éléments méritent une attention particulière.

Les dynamiques traduisent le mouvement interne du système : flux relationnels, tendances récurrentes, réactions en chaîne, équilibres temporaires.
Elles indiquent ce qui porte le système, ce qui le freine ou ce qui le fragilise.

Les tensions apparaissent lorsque plusieurs dynamiques entrent en friction :
autonomie et contrôle, performance et sécurité, innovation et stabilité.
Une tension n’est pas un problème à éliminer, mais une information précieuse.
Elle signale un déséquilibre, un besoin d’ajustement, une zone où le système cherche à évoluer.

Les dynamiques émergentes apparaissent lorsqu’un changement s’amorce :
nouvelles coopérations, nouvelles peurs, nouvelles opportunités, nouveaux modes de régulation.
Elles sont imprévisibles, mais souvent porteuses de renouvellement et d’adaptation.

Observer dynamiques, tensions et émergences permet de lire le mouvement réel du système, au-delà de ses structures formelles.

Agir sur un système : un réagencement plutôt qu’une correction

Transformer un système humain ne consiste pas à ajouter une règle, corriger un dysfonctionnement ou installer un nouvel outil.

Un système change lorsque l’on modifie la place relative des dynamiques qui le traversent :

  • En réduisant l’impact des dynamiques limitantes,
  • En renforçant les dynamiques soutenantes,
  • En acceptant la coexistence de forces contraires,
  • En redonnant de la cohérence à l’ensemble.

Ce ne sont pas les éléments isolés qui transforment durablement un système, mais les relations entre ces éléments.

Ce que je retiens de l’analyse systémique

De ces travaux, je retiens une conviction centrale :

un système ne change pas par correction, mais par réagencement des dynamiques qui le traversent.

Agir sur un système consiste à :

  • Réduire l’impact des dynamiques limitantes,
  • Renforcer les dynamiques soutenantes,
  • Accepter la coexistence de forces contraires,
  • Redonner de la cohérence à l’ensemble.